Chine Lanzmann,
C’est comme au tennis. Au début, on peut jouer contre un mur.
L’auto-coaching, c’est un peu de “l’auto-tennis”.
Mais pour vraiment jouer, on a besoin d’un partenaire ou d’un prof.
C’est donc une forme d’initiation au coaching.
Ça dépend des DRH.
En tout cas, pour mes clientes DRH qui font appel à moi pour monter des programmes de formation de coaching, à destination des femmes dans les entreprises, oui, c’est un sujet.
Mais il y a plein d’entreprises pour qui c’est un sujet, mais pour autant, ne font pas grand-chose.
Il y a plein de raisons.
– La première, c’est effectivement cet inconscient collectif qui plane encore, qui est assez rétro, où le monde du travail est un monde d’hommes et que la place des femmes, surtout quand elle a des enfants, est à la maison auprès des enfants.
Ça fait quand même peu de temps qu’il y a des femmes qui travaillent, à part pour des métiers de soins, de cuisine, ou de mode. Mais les femmes qui travaillent dans les entreprises, ça fait quand même assez peu de temps.
Et à la tête, c’est encore un monde d’hommes.
C’est important de savoir que c’est inconscient et que c’est vraiment là encore.
Hommes et femmes doivent lutter contre cet inconscient quand c’est pas conscient.
C’est beaucoup plus difficile, c’est vraiment un frein.
– Ensuite, il y a aussi le fait que les femmes ont été moins éduquées. Même aujourd’hui, on ne donne pas la même éducation pour les petites filles et les petits garçons.
Les femmes sont éduquées pour dire oui, pour ne pas avoir de besoins, ou faire passer les besoins des autres avant les leurs.
C’est ce que j’apprends en formation :
Les femmes ont besoin :
Alors qu’un homme qui dit non, est un homme qui s’affirme.
Il faut savoir que ça existe, et l’idée est de pouvoir les contourner, ou muscler l’assertivité des femmes : l’affirmation de soi, sans peur et sans agressivité.
Les femmes osent moins demander que les hommes, osent moins dire non, osent moins s’affirmer, osent moins se positionner.
Et puis il y a les hommes, ou les femmes au-dessus qui disent “non, je ne vais pas la promouvoir parce qu’elle a des enfants, la pauvre”, etc.
Tout le monde a besoin de reconnaissance, que ce soit les femmes ou les hommes.
Et en entreprise, c’est le besoin le moins satisfait.
Le besoin de reconnaissance est vraiment essentiel.
La promotion en entreprise est souvent une fabuleuse reconnaissance.
Donc oui, les femmes aussi on envie d’être promues, mais en général elles ne se positionnent pas parce qu’elles pensent qu’elles n’ont pas assez confiance en elles, qu’elles n’ont pas les compétences.
Alors que selon une étude, quand il y a un poste qui s’ouvre, 75% des femmes qui ont les compétences pensent qu’elles n’ont pas les compétences, et les hommes qui n’ont pas les compétences sont 75% à penser qu’ils ont les compétences.
Raison pour laquelle les femmes ne se positionnent pas en général.
C’est pour cela qu’il faut les soutenir, les aider, leur dire qu’elles ont aussi le droit.
Il y a aussi un autre phénomène qui est la psychogénéalogie.
J’ai beaucoup de clientes dont les mères ont arrêté de travailler, ou sont passées à mi-temps pour s’occuper des enfants, et parfois dont les grands ne travaillaient pas.
Ce qui fait que ce n’est pas évident pour elles d’être la seule de sa lignée de femme à travailler.
Ça peut être vraiment comme une loyauté familiale de ne pas travailler, ou pas trop travailler, et encore moins être promue.
Quasiment toutes mes clientes viennent en coaching parce qu’elles manquent de confiance en elles.
Je leur demande ce qu’elles feraient de différent si elles avaient confiance en elles.
Les réponses que j’ai souvent:
En gros, elles feraient des choses différentes.
Donc oui effectivement, certaines ont besoin de plus de confiance.
Et il y a les autres effectivement qui ne sont pas promues parce qu’ elles prennent moins de temps pour faire de la “politique”, au bon sens du terme, dans l’entreprise, de la stratégie, pour créer leurs réseaux en interne.
Souvent les femmes, dès qu’elles ont des enfants, même avant, vont manger leurs sandwichs ou leurs salades derrière leur écran lors du déjeuner au lieu d’en profiter pour aller déjeuner avec quelqu’un dans un autre service, ou aller déjeuner à l’extérieur pour favoriser leurs réseaux.
Elles prennent moins de temps pour mettre en valeur leurs savoir-faire.
Quand on les croise dans le couloir, beaucoup, qui ont besoin d’empathie, vont dire que ça ne va pas trop, qu’elles sont fatiguées quand on leur demande comment elles vont.
J’ai des clientes de retour congé de maternité qui disent à tout le monde qu’elles sont devenues bêtes, qu’elles n’ont plus de neurones.
Je leur demande d’arrêter ça immédiatement parce qu’elles se dévalorisent.
Elles ont besoin d’empathie et de compréhension.
C’est important d’aider les femmes à valoriser leurs travails, et surtout à ne pas se dévaloriser, et je suis là pour ça.
Oui, bien sûr. J’ai plusieurs anecdotes sur le sujet.
J’ai fait des programmes pour les femmes en entreprises depuis une douzaine d’années à peu près, et je me souviens d’un homme, DRH dans une banque américaine, où les femmes haut placées s’étaient battues pour avoir un programme de coaching et de formation pour les femmes.
Aux États-Unis, il y avait un programme mondial que la France a été obligée d’appliquer et c’est tombé sur deux femmes assez haut placées qui étaient dans cette banque, qui étaient contentes de faire un programme.
Le DRH m’a dit ce qu’elles allaient devenir une fois que je les aurais toutes armées?
Je lui réponds qu’elles ne vont pas venir dans votre bureau pour vous tirer dessus; que ce ne sont pas des armes mais des outils que je vais leur donner.
Elles vont être plus heureuses, plus épanouies, travailleront mieux, auront plus envie de rester.
Les hommes se réunissent ensemble depuis des milliers d’années, les femmes n’ont pas eu peur. Mais il suffit que quelques femmes se réunissent ensemble et puis certains hommes ont peur.
Heureusement qu’il existe des hommes formidables aussi.
Autre chose, c’est que mes clientes qui viennent à mes formations ont des remarques de leurs patrons du genre :” Ah, tu vas à ta réunion tupperware.”
Ils dévalorisent le travail qu’elles peuvent faire avec moi comme si des femmes qui sont ensemble vont forcément parler de “plastiques en cuisine”.
Alors que pas du tout. On parle de bouleau et comment mieux travailler, de la psychologie, des relations humaines …
Les personnes à la tête doivent être convaincues que ça ne va pas quand il n’y a que des hommes au top et qu’il faut qu’il y ait une mixité au sommet.
Quand les personnes au top management, le président, en général, c’est un homme ou le comité direction en sont persuadés, les RH suivent.
Il peut y avoir un réseau féminin qui se crée et avoir des règles de bonnes pratiques dans l’entreprise qui se créent, comme pas de réunion après 18h, par exemple.
Mais malheureusement, ce n’est pas souvent le cas et parfois, les réseaux féminins sont poussés soit par des femmes en interne, soit par les RH, parfois c’est plus politique.
Il y a beaucoup d’entreprises qui disent qu’ils font des choses pour les femmes, mais qu’est-ce qu’il font ?
Effectivement, j’ai remarqué auprès de mes clientes qui arrivaient en coaching en disant qu’elles ne comprennent pas pourquoi elles n’arrivent pas à être promues quand elles se positionnent pourtant elles ont les compétences.
J’ai remarqué que quand la femme de leur patron ne travaillait pas, en général, le patron n’arrive pas à promouvoir les femmes parce que c’est vraiment un conflit de loyauté par rapport aux valeurs de la famille qu’ils ont choisi avec sa femme.
Et malheureusement, ça compte énormément parce que c’est inconscient.
Il y a une exception où il y a un patron dont la femme ne travaille pas qui promeut les femmes sous lui, mais c’est le seul que je connaisse.
L’écart est plutôt réduit chez les populations d’ouvriers, mais dès qu’on grimpe dans la hiérarchie, la différence sur la fiche de paie dépasse souvent les 20% entre l’homme et la femme.
C’est compliqué, c’est historique.
Certains disent que c’est parce que les femmes ne demandent pas ou demandent moins.
C’est vrai qu’elles osent moins négocier leurs salaires à l’embauche, qu’elles osent moins en parler, ou elles en parlent éventuellement une fois par an pendant l’entretien d’évaluation, alors que les hommes ont plus tendance à y aller jusqu’à ce qu’ils l’obtiennent.
Comme le dit le proverbe : “L’huile va à la roue qui grince”.
Il y a aussi une étude qui a été faite, que quand un homme vient d’avoir un enfant, il est promu et augmenté. Sans qu’il le demande en général.
Une femme qui vient d’avoir un enfant, c’est rare qu’elle soit promue. En général, elle n’est pas augmentée. Elle perd même ses bonus de l’année parce qu’elle a été absente.
Oui, bien sûr, c’est une généralité.
Il y a des hommes qui se dévalorisent et des femmes qui se valorisent, heureusement.
Mais c’est malheureusement vrai que c’est plutôt une tendance des femmes à se dévaloriser et à dévaloriser leur travail.
Effectivement, l’équité à la maison est aussi un très bon point.
Plus il y aura d’équité dans le foyer pour le ménage, les tâches domestiques, les enfants, plus elle aura la tête libre pour pouvoir être épanouie au travail et s’affirmer.
Je ne suis pas experte de bonne pratique d’entreprise, mais ce que je vois auprès des RH ou des clientes qui sont chefs, c’est par exemple:
J’ai des clientes qui ont plus d’une heure de transport allée et plus d’une heure de transport retour, plus les enfants à la maison quand elles rentrent. C’est vraiment fatiguant.
Donc une ou deux journées de télétravail, qu’elles puissent choisir quand est-ce que ça leur convient, serait fantastique.
Donc il y a des bonnes pratiques pour les entreprises, notamment la discrimination positive.
Pour les femmes elles-mêmes, c’est :
On dit qu’il y en a beaucoup parce qu’on en parle, mais dans la réalité, il n’y en a pas tant que ça non plus. Donc il y a encore de la place.
Je pense que les femmes savent qu’il faut faire ça. Après c’est difficile de changer.